Affichons le prix environnemental des vêtements
Quand on parle d’affichage environnemental, l’image du Nutriscore est sans doute la première qui vient à l’esprit, par association d’idées.
La mise en place (mouvementée) de ce classement nutritionnel des produits, sur la base d’une note ABCDE associée à un code couleur du vert au rouge type “feu tricolore”, a largement contribué à ce que l’idée d’une notation des produits selon leur impact environnemental fasse son chemin jusqu’à son adoption dans la loi Climat et Résilience de 2021. Le caractère obligatoire de cet affichage environnemental concernera en premier lieu les vêtements (1).
Classement ou score ?
Alors que les discussions et arbitrages ministériels sont encore en cours pour définir la méthode de calcul de l’impact environnemental des produits textiles, une autre question doit être tranchée d’ici la publication du décret d’application destiné à mettre sur les rails cet affichage. Il s’agit de préciser la forme qu’il prendra, sur les étiquettes ou emballages des produits en question. Doit-on opter pour un classement ABCDE coloré, façon Nutriscore, ou pour un score en valeur absolue, que l’on pourrait assimiler au « prix environnemental » du produit ?
Certes, le score ABCDE présente un immense avantage : celui d’être immédiatement compréhensible par les consommateurs. Néanmoins, le score en valeur absolue présente des avantages qui correspondent mieux aux objectifs de sobriété dont le secteur textile a besoin.
D’abord, l’intérêt de cet affichage en valeur absolue est celui de la prise de conscience de l’impact environnemental de chaque achat. Il permet non seulement de comparer les vêtements entre eux pour faire le meilleur choix, mais de réaliser que chaque vêtement a un impact et de prendre la mesure du poids environnemental de sa consommation. Le classement ABCDE permet bien de comparer deux produits, mais pas de se rendre compte que l’on a dépassé un seuil de surconsommation sur le plan environnemental.
D’autre part, un score en valeur absolu permet d’envisager de comparer l’impact environnemental des vêtements avec d’autres types de produits, si cet affichage est généralisé à d’autres secteurs. Par exemple, si un jean pèse 5 000 points d’impact environnemental et qu’un smartphone pèse 20 000 points d’impact (chiffres totalement aléatoires), les consommateurs auront des ordres de grandeur en tête et pourront prendre de meilleures décisions sur leur consommation.
Le risque d’un simple classement ABCDE
Dans le cas du Nutriscore, le classement ABCDE peut être jugé suffisant car nous sommes a priori biologiquement limités dans notre capacité journalière à ingérer des aliments, fussent-ils classés A. Pour les vêtements, un simple classement ABCDE pourrait créer un effet rebond de consommation : si ces produits sont jugés vertueux, pourquoi se limiter ? On parle aussi de “licensing effect”, liés aux allégations environnementales (qu’elles soient justifiées ou abusives) associées aux produits, lorsque le caractère écoconçu d’un objet ou encore la promesse de son recyclage (par exemple) nous pousse à l’acheter au-delà de nos besoins.
Au lieu de nous orienter vers une consommation soutenable, cet affichage risquerait ainsi de favoriser le statu quo – c'est-à-dire une surconsommation caractérisée, voire de l’encourager.
Ce risque de rebond est d’autant plus fort que nous sommes, en tant que consommateurs, soumis à de très fortes injonctions à l’achat : promotions, publicité, paiement en 3 fois sans frais, prix cassés grâce à la délocalisation de la production… Ces stratégies commerciales sont les premières responsables du niveau actuel de surconsommation, et c’est sur elles qu’il faut agir en priorité. C’est pourquoi nous nous sommes en premier lieu penchés sur la méthodologie de calcul de l’impact utilisé pour l’affichage, afin que ces pratiques soient pénalisées dans les notes obtenues. Et que nous portons d’autres propositions pour faire évoluer le cadre réglementaire de la production textile.
(1) Article 2 de la loi Climat et Résilience (2021) : -A l'issue des expérimentations mentionnées au II et après évaluation de celles-ci, l'affichage environnemental est rendu obligatoire, dans les conditions prévues à l'article L. 541-9-12 du code de l'environnement, prioritairement pour le secteur du textile d'habillement.